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L''''Ulcère de Buruli''' est un [[Ulcères tropicaux|ulcère tropical]] qui peut être rencontré chez des patients originaires de pays d'endémie.
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1. Épidémiologie
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L’ulcère de Buruli (UB) est une infection à tropisme cutané qui provoque des ulcérations cutanées délabrantes
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(voir le chapitre « Infections de la peau et des tissus mous ») compliquées de séquelles ostéo-articulaires,
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source d’invalidité. Elle est causée par Mycobacterium ulcerans, mycobactérie environnementale qui produit
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une toxine nécrosante, la mycolactone. Il s’agit désormais de la troisième mycobactériose humaine après la
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tuberculose et la lèpre.
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L’UB sévit dans les régions intertropicales humides et touche majoritairement les populations pauvres et
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rurales dont l’accès aux soins est limité, répondant ainsi au concept de maladie tropicale négligée. L’UB a
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été signalé dans plus de 33 pays en Afrique, dans les Amériques, en Asie et en Océanie, principalement dans
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les régions tropicales et sub-tropicales à climats chauds et humides (figure 1).
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La maladie est hyperendémique en Afrique avec une incidence estimée à 5000 - 6000 cas par an. En 2014,
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12 des 33 pays ont signalé près de 2200 nouveaux cas. Dans la majorité des cas, ces foyers endémiques
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circonscrits sont situés en zone rurale, presque toujours autour d’un écosystème aquatique (fleuves, lacs
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artificiels ou naturels, marécages, périmètres irrigués). De rares cas ont été rapportés en Europe et en Amérique
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du Nord chez des voyageurs de retour d’Afrique ou de Guyane.
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Le réservoir et les modalités de transmission de M. ulcerans ne sont pas tout à fait élucidés. A l’inverse de la
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tuberculose ou de la lèpre, il n’y pas de transmission inter-humaine. L’homme se contaminerait à partir d’un
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réservoir environnemental hydrotellurique, par inoculation directe transcutanée lors de microtraumatismes.
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Le rôle des insectes aquatiques est également incriminé, en particulier les punaises aquatiques (Naucoridae)
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qui sont à la fois hôte naturel et vecteur, et pourraient transmettre la maladie par piqûre accidentelle de
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l’homme après multiplication de M. ulcerans dans leurs glandes salivaires (photo 1). M. ulcerans forme un
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biofilm sur les végétaux absorbés par les mollusques et les poissons, proies des punaises aquatiques qui
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pourraient ainsi se contaminer par leur intermédiaire.
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La distribution des foyers épidémiques localisés est expliquée par des bouleversements environnementaux
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(déforestation, création de lacs artificiels pour l’irrigation et la pêche, inondation) qui favorisent le développement
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du ou d’un vecteur. Récemment, des facteurs de risque ont été individualisés en Afrique : proximité de rivières et
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de plan d’eau à débit lent, utilisation de sources d’eau non protégées pour les activités domestiques, absence de
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vêtements protecteurs (pantalons, chemises à manches longues), désinfection inadaptée des plaies.
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L’UB s’observe à tout âge sans prédilection de sexe mais atteint préférentiellement les enfants de moins de
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15 ans qui représentent la moitié des cas selon l’OMS.
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L’infection par le VIH n’est pas un facteur de risque mais elle complique la prise en charge. L’infection à M. ulcerans
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est caractérisée par une faible létalité qui contraste avec l’importance des séquelles ostéo-articulaires
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invalidantes observées chez plus de la moitié des patients.
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2. Physiopathologie
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M. ulcerans est une mycobactérie environnementale à croissance lente qui se cultive à des températures
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comprises entre 30 et 32 °C (plus basses que pour M. tuberculosis) et qui est retrouvée dans le derme et
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l’hypoderme. C’est une mycobactérie facultative qui s’organise en biofilm et possède une paroi lipidique qui
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lui confère une résistance aux agents physicochimiques. A l’inverse des autres mycobactéries pathogènes,
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elle produit une exotoxine lipidique, la mycolactone seul facteur de virulence connu de la bactérie. Cette
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mycolactone posséde des propriétés cytotoxiques, qui rendent compte de la nécrose et de l’extension
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des lésions cutanées et des propriétés immunosuppressives qui expliquent la faible réaction inflammatoire
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locale.
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3. Clinique
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L’expression clinique de l’infection à M. ulcerans est polymorphe, influencée par le site de l’infection, le
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délai de prise en charge et l’immunité du patient. Contrairement à ce qui est généralement admis, en zone
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d’endémie, l’absence de spécificité des signes cliniques rend mal aisé le diagnostic sur les seuls arguments
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cliniques. Quelque soit le stade clinique de la maladie, la chronicité et l’indolence des lésions cutanées
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doivent y faire penser.
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3.1. Forme typique
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Après une période d’incubation variant de quelques semaines à plusieurs années, l’UB évolue classiquement
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en trois stades distincts (pré-ulcératif, ulcératif, cicatriciel).
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3.1.1. Formes pré-ulcératives
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C’est le stade de début de la maladie qui peut se révéler par quatre lésions élémentaires dermatologiques :
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papule, nodule, plaque, oedème. Ces lésions se situent au niveau des membres inférieurs (60 %), des
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membres supérieurs (30 %), plus rarement au niveau de la face ou du tronc (10 %).
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• Une papule est une lésion surélevée, indolore, de plus de 1 cm de diamètre.
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• Un nodule est une lésion palpable, ferme, de 1 à 2 cm, indolore, adhérente à la peau, plus ou moins prurigineuse,
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parfois associée à un halo oedémateux (photo 2).
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• La plaque est une large lésion cutanée indurée, surélevée, froide, indolore, bien délimitée, à bords irréguliers
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et à surface dépigmentée.
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• L’oedème se manifeste par une tuméfaction sous-cutanée froide, ne prenant pas le godet, plus ou moins
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douloureux, fixe, aux limites floues pouvant s’étendre à un membre, à une région du tronc, au visage, à la
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région périnéale.
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A ce stade précoce, les lésions passent souvent inaperçues et peuvent être confondues avec de nombreux
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diagnostics différentiels (tableau 1). Des formes inflammatoires associées à de la fièvre peuvent mimer une
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dermo-hypodermite bactérienne.
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Selon l’OMS, la promotion du dépistage de masse de ces formes précoces, qui représentent actuellement
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seulement 10 % des cas diagnostiqués, est une priorité.
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3.1.2. Formes ulcératives
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Les nodules et les papules évoluent le plus souvent vers une ulcération cutanée profonde d’extension
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progressive. Classiquement, cette perte de substance dermo-épidermique présente un fond nécrotique
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jaunâtre, des bords décollés et un pourtour oedémateux (photo 3). Unique ou multiple, à l’emporte-pièce,
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l’ulcération de dimension parfois très importante, est caractérisée par sa chronicité et son indolence, sauf en
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cas de surinfection (photo 4). En l’absence de complication, l’état général des patients est préservé et il n’y
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a pas de fièvre. À ce stade d’ulcération les diagnostics différentiels sont nombreux (tableau 1).
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3.1.3. Cicatrisation et séquelles
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La guérison spontanée est possible. La cicatrisation s’accompagne de nombreuses séquelles à type de
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chéloïdes et de rétractions associées à une ankylose. Les récidives sur le site initial de l’infection sont
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fréquentes.
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60
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ePILLY trop 2016 - Maladies infectieuses tropicales
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SOMMAIRE INDEX
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451
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3.2. Formes compliquées
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Des atteintes multifocales associant plusieurs lésions ulcérées sont possibles, en particulier chez les enfants
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et les patients infectés par le VIH.
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Des formes extensives en profondeur peuvent détruire tendons, muscles, nerfs, organes, notamment le tissu
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périorbitaire, entraînant la perte de l’oeil.
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Les atteintes osseuses par contiguïté ou par diffusion hématogène peuvent se compliquer d’arthrites ou
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d’ostéomyélites des extrémités responsables de séquelles à type de déformations ou du fait de nécessaire
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amputation. Enfin les surinfections bactériennes, favorisées par un défaut d’asepsie sont fréquentes. Elles
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sont responsables de phlegmon, de dermo-hypodermite bactérienne aiguë, voire de septicémie
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4. Diagnostic
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Dans les zones endémiques, le diagnostic microbiologique reste trop peu utilisé. Il est essentiel pour la surveillance
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épidémiologique et pour améliorer la précision du diagnostic clinique. Il repose sur quatre méthodes
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de confirmation qui ne sont pas toutes disponibles en routine. Selon l’OMS il faut au moins deux examens
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positifs pour affirmer formellement le diagnostic.
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4.1. Examen direct d’un frottis cutané
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Sur le terrain, la mise en évidence de bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR) à l’examen direct d’un frottis
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(méthode de Ziehl-Neelsen) à partir d’écouvillons passés sur les bords décollés de l’ulcère reste un examen
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aisément praticable par des personnels entraînés. Sa sensibilité est faible et varie suivant les formes cliniques,
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entre 60 % pour les formes nodulaires et 80 % pour les formes oedémateuses.
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4.2. Culture
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La culture (sur milieu de Loewenstein-Jensen) pratiquée à partir des écouvillons ou des biopsies cutanées
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prend au moins 6 à 8 semaines. Sa sensibilité est de l’ordre de 50 % surtout si les échantillons doivent être
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décontaminés puis acheminés vers un laboratoire référent.
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4.3. Amplification génique (PCR) de la séquence IS2404
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Cet examen réalisé directement sur les échantillons cliniques ou bien à partir des milieux de culture, permet
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de détecter la séquence d’insertion IS 2404 spécifique de M. ulcerans. Sa sensibilité est de 98 %, la spécificité
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est proche de 100 %. C’est la technique privilégiée par l’OMS. Elle est disponible dans un réseau de 17
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laboratoires de référence en Afrique.
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4.4. Histopathologie
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Elle nécessite une biopsie profonde (jusqu’à l’aponévrose) d’une lésion. Sa sensibilité est de 90 %. Elle montre
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une nécrose du collagène dermique et du tissu cellulo-adipeux sous cutané avec une réaction inflammatoire
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modérée et la présence de BAAR en plus ou moins grand nombre (rares dans les ulcères, nombreux dans
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les nodules). L’étude histopathologique est surtout utile pour poser un diagnostic différentiel de l’UB lorsque
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les autres examens sont négatifs.
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4.5. Détection de la mycolactone
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La mise en évidence de la toxine (mycolactone) par fluorescence à l’aide d’un test rapide réalisable par les
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agents de santé est en cours de validation
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5. Traitement. Évolution
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L’antibiothérapie est désormais le traitement de première intention pour toutes les formes cliniques de la
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maladie.
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5.1. Antibiotiques
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L’association rifampicine-streptomycine pendant 8 semaines a montré des résultats prometteurs : guérison
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de la moitié des lésions précoces et ulcérées de moins de 5 cm, réduction du volume lésionnel et donc
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de l’étendue de l’intervention chirurgicale, diminution du risque de rechute post chirurgicale des formes
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évoluées ou compliquées (ostéomyélites). D’autres schémas thérapeutiques tels que 4 semaines de rifampicine-
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streptomycine, suivies de 4 semaines de rifampicine-clarithromycine ou 8 semaines de rifampicine
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- clarithromycine obtiennent des taux de guérison sans rechute élevés.
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Ces performances ont conduit l’OMS à élaborer de nouvelles recommandations thérapeutiques guidées par
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la taille, le nombre de lésions, et la facilité d’accès aux antibiotiques ou à une chirurgie de qualité (tableau 2).
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5.2. Chirurgie
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La chirurgie conservatrice, avec notamment le débridement et la greffe cutanée (photo 5), peut s’avérer
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nécessaire dans certains cas pour aider la guérison et réduire le plus possible les cicatrices susceptibles de
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limiter ensuite les mouvements.
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5.3. Mesures associées
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La diffusion des règles d’asepsie et la qualité des pansements sont essentielles pour favoriser la cicatrisation
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et limiter les surinfections bactériennes (photo 5). La vaccination antitétanique doit être à jour.
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La kinésithérapie et la rééducation fonctionnelle (appareillage) doivent être utilisées au plus tôt afin de limiter
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les séquelles invalidantes.
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L’intérêt des techniques adjuvantes (thermothérapie, oxygénothérapie hyperbare, héparines de bas poids
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moléculaire utilisées par certains) est discuté.
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6. Prévention
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Dans les régions endémiques, la limitation des contacts avec l’environnement est illusoire. La protection des
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points d’eau peut être utile. La vaccination par le BCG protégerait des complications osseuses, mais son rôle
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dans les formes cutanées est controversé.
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La lutte contre l’ulcère de Buruli repose désormais sur un dépistage précoce des cas et l’administration d’une
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association d’antibiotiques. Le suivi des plaies, la prévention des séquelles par la physiothérapie et la chirurgie
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conservatrice complètent l’arsenal thérapeutique.
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