Préparations magistrales à visée antalgique

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Les préparations magistrales à visée antalgiques (PMVA) sont des préparations magistrales utilisées pour soulager les douleurs cutanées

Cadre réglementaire

Indications

  • Les traitements locaux peuvent être proposés
- en complément des traitements systémiques si les augmentation de posologie de ceux ci sont mal tolérées
- d'emblée à la place des traitements systémiques s'ils sont mal tolérés

⚠️ Précautions d'emploi⚠️

  • Ces préparations ne doivent être appliquées que sur peau saine , à distance d'une plaie
  • Les applications ne doivent se faire sue sur des zones localisées

Remboursement "aléatoire"

  • Les PMVA ne rentrent pas stricto sensu dans les critères de remboursement des préparations magistrales définis par la circulaire de la CNAM de 2008.
  • Les modalités de prise en charge et de remboursement peuvent varier d'une Caisse d'Assurance maladie à l'autre

Parcours patient

  • Prescription médicale de la PMVA
  • Le patient donne son ordonnance au pharmacien
  • Réalisation de la préparation sur place ou par une pharmacie sous traitante
  • Délivrance au patient de la préparation et utilisation selon prescription

Indications

Nous ne discuterons ici que la prise en charge des douleurs neuropathiques (DN) dans le cadre de la prise en charge de plaies chroniques
DN chez le diabétique Allodynie en péri lésionnel autour d'un ulcère chronique Cicatrice allodynique( post amputation / post mastectomie)
D'autres indications existent...
  • DN post zoostériennes
  • DN post chimiothérapie
  • Névralgies du trijumeau
  • Erythermalgie........

Quels types de produits ?

Amytritpiline

  • L’Amitriptyline est un antidépresseur tricyclique utilisé par voie orale comme traitement de première intention chez les patients atteints de DN périphérique et centrale.
  • Les preuves précliniques montrent que l’application topique d’amitriptyline exerce des effets antinociceptifs et antiallodyniques dans les modèles de douleur aiguë et de DN.
  • Il a été montré que l’amitriptyline topique inhibe fortement l’activité des canaux sodiques voltage-dépendants (Nav), en particulier les canaux Nav1.7, Nav1.8 et Nav1.9, de manière dose-dépendante [1].
  • Jusqu’à récemment, l’amitriptyline était utilisée par voie topique à des concentrations inférieures ou égales à 5 %, et souvent en association avec d’autres analgésiques tels que la kétamine par exemple. Employée seule jusqu’à la concentration de 5 %, les données d’essais cliniques contrôlés fondés sur les preuves n’ont pas confirmé l’efficacité de l’amitriptyline dans la douleur neuropathique périphérique [2].
  • Récemment, une crème à 10 % d’amitriptyline a montré une efficacité analgésique pertinente dans le cadre d’une étude pilote conduite chez des patients atteints de neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie. Après seulement un mois de traitement (deux applications par jour), la crème à l’amitriptyline (10 %) a permis d’observer une importante diminution de l’intensité des douleurs, passée de sévère à moyenne (7/10 à 3/10 au Numerical Pain Rating Score) et une nette baisse de la symptomatologie. Aucun effet indésirable n’a été relevé et l’absence de passage systémique a été vérifié [3] [4] .

Capsaïcine

  • La capsaïcine est un agoniste des canaux TRPV1 (transient receptor potential vanilloid type 1) utilisé chez les patients souffrant de DN périphérique localisée, soit à forte concentration (patchs à 8 %), soit à faible concentration (< 0,1 % dans des crèmes).
  • Cet alcaloïde, composé actif du piment, provoque la libération de neuropeptides, dont la substance P, par les fibres nerveuses C. L’application prolongée de capsaïcine sur la peau épuise les réserves de substance P et entraîne une perte réversible et sélective des terminaisons nerveuses nociceptives (récepteur vanilloïde TRPV1), avec une hyperalgésie, suivie d’une désensibilisation réversible par « défonctionnalisation » du récepteur.
  • La capsaïcine peut être appliquée sous forme de crème de 0,025 % à 0,1 % quatre fois par jour, avec un intervalle d’au moins trois à quatre heures entre les applications. L’effet indésirable le plus fréquent est une sensation de brûlure passagère (Goldsmith 2012).
  • Les crèmes topiques à base de capsaïcine (< 0,1 %) sont utilisées pour traiter la douleur liée à un large éventail de maladies chroniques, y compris la douleur neuropathique. Si les preuves cliniques soutiennent les patchs de capsaïcine à 8 %, les données d’efficacité restent insuffisantes et discordantes à propos des crèmes à faible concentration de capsaïcine [5]. Ces formulations topiques peuvent être considérées comme un traitement de réserve [6].

Menthol

  • Le menthol, dont le L-menthol est l’isomère prédominant dans les formulations, est utilisé comme analgésique non opioïde depuis l’antiquité.
  • Le principal mécanisme d’action analgésique du menthol est attribué à l’activation du TRPM8 (transient receptor potential melastatin-8), canal ionique sensible au froid, exprimé dans la peau au niveau des nocicepteurs et des kératinocytes. TRPM8 est activé par des températures inférieures à 28°C, ainsi que par le menthol et d’autres agents de refroidissement tels que le camphre [42].
  • En tant qu’agent topique, il agit comme un contre-irritant en conférant un effet de refroidissement et en stimulant initialement les nocicepteurs pour ensuite les désensibiliser. Le menthol appliqué localement peut également activer les voies analgésiques centrales. À des concentrations élevées, le menthol peut générer une allodynie au froid [7].
  • Dans les modèles animaux de douleur, le menthol réduit efficacement la douleur induite par la capsaïcine, la chaleur nocive et l’inflammation. Dans ces modèles animaux, le rôle de TRPM8 comme médiateur de l’analgésie induite par le menthol dans les douleurs aiguës, neuropathiques et inflammatoires a été confirmé [8]. Cependant, les études cliniques chez l’homme sont rares.
  • Le menthol peut être appliqué trois ou quatre fois par jour dans une large gamme de concentrations, de 0,1 % à 10 %. Lasanen et al. (2016) ont démontré qu’un gel à 4,6 % de menthol entraînait un effet de refroidissement de la peau significativement plus important que les gels à 0,5 % et 10 % [9].

Lidocaïne

Baclofène

  • Myorelaxant, agoniste sélectif du récepteur GABAB, le baclofène a été initialement utilisé comme traitement systémique de la spasticité.
  • Par voie topique, le baclofène à 5 % a permis de soulager la DN due à l’acromégalie[10] et aux lésions de la moelle épinière [11] [12].
  • Keppel Hesselink et al. (2016) ont rapporté l’intérêt d’une crème analgésique et anti-inflammatoire composée de baclofène à 5 % et de palmitoyléthanolamide à 1 % dans le traitement de la vulvodynie provoquée localisée (vestibulodynie), un trouble très fréquent dont la prévalence est comprise entre 4 % et 16 %, avec un biais de sous-déclaration. La plupart des cas de vestibulodynie peuvent être considérés comme des troubles douloureux neuropathiques localisés en raison des sensations de brûlure, de picotement et d’irritation décrites par les patientes [13].
  • La formule topique associant le baclofène (5 %) et le palmitoyléthanolamide (1 %), un autacoïde de type endocannabinoïde doté de propriétés anti-inflammatoires et agissant en tant que restaurateur de l’homéostasie neuroimmunologique, soulage la douleur en ciblant trois composantes de la vestibulodynie : les terminaisons nerveuses des nocicepteurs, les cellules immunocompétentes adjacentes et les cellules épithéliales [14].


Préparations

Amitrityline à 10% Capsaïcine Préparation antalgique combinée

Références

  1. Genevois AL et al. Analgesic effects of topical amitriptyline in patients with chemotherapy-induced peripheral neuropathy: mechanistic insights from studies in mice. J Pain 2021; 22(4): 440-453
  2. Thompson DF, Brooks KG. Systematic review of topical amitriptyline for the treatment of neuropathic pain. J Clin Pharm Ther. 2015; 40: 496-503
  3. Rossignol J, Cozzi B, Liebaert F, Hatton S, Viallard ML, Hermine O, Greco C. High concentration of topical amitriptyline for treating chemotherapy-induced neuropathies. Support Care Cancer. 2019; 27: 3053-3059
  4. Greco C, Genevois AL, Ducrocq, Delmas P. Prise en charge de la douleur neuropathique périphérique : donner leur chance aux traitements locaux pour des douleurs localisées. La Lettre du Neurologue. 2022; 26: 230-234
  5. Derry S, Moore RA. Topical capsaicin (low concentration) for chronic neuropathic pain in adults. Cochrane Database Syst Rev. 2012(9) : CD010111
  6. Kulkantrakorn K, Chomjit A, Sithinamsuwan P, Tharavanij T, Suwankanoknark J, Napunnaphat P. 0.075 % capsaicin lotion for the treatment of painful diabetic neuropathy: A randomized, double-blind, crossover, placebo-controlled trial. J Clin Neurosci. 2019; 62: 174-179
  7. Pergolizzi JV Jr, Taylor R Jr, LeQuang JA, Raffa RB; NEMA Research Group. The role and mechanism of action of menthol in topical analgesic products. J Clin Pharm Ther. 2018; 43: 313-319
  8. Liu B, Fan L, Balakrishna S, Sui A, Morris JB, Jordt SE. TRPM8 is the principal mediator of menthol-induced analgesia of acute and inflammatory pain. Pain. 2013; 154: 2169-2177
  9. Lasanen R, Julkunen P, Airaksinen O, Töyräs J. Menthol concentration in topical cold gel does not have significant effect on skin cooling. Skin Res Technol. 2016; 22: 40-45.
  10. Kopsky DJ, Keppel Hesselink JM. Neuropathic pain as a result of acromegaly, treated with topical baclofen cream. J Pain Symptom Manage. 2013; 46: e4-e5
  11. Kopsky DJ, Keppel Hesselink JM, Casale R. Walking with Neuropathic Pain: Paradoxical Shift from Burden to Support? Case Rep Med. 2015; 2015: 764950
  12. Crul TC, Stolwijk-Swüste JM, Kopsky DJ, Visser-Meily JMA, Post MWM. Neuropathic pain in spinal cord injury: topical analgesics as a possible treatment. Spinal Cord Ser Cases. 2020; 6(1): 73
  13. Keppel Hesselink JM, Kopsky DJ, Sajben N. New topical treatment of vulvodynia based on the pathogenetic role of cross talk between nociceptors, immunocompetent cells, and epithelial cells. J Pain Res. 2016; 9: 757-762
  14. Keppel Hesselink JM, Kopsky DJ, Sajben NL. Vulvodynia and proctodynia treated with topical baclofen 5 % and palmitoylethanolamide. Arch Gynecol Obstet. 2014; 290: 389-393